Fernand Bloch-Ladurie, interview par la Plume culturelle
Marion Weber, de la Plume culturelle, a consacré, dans le numéro quatre (juin-août 2012) de cette revue culturelle lorraine, un dossier à Fernand Bloch-Ladurie.
[Marion Weber, rédactrice en chef de la Plume culturelle, a consacré, dans le numéro quatre (juin-août 2012) de cette revue culturelle lorraine, un dossier à Fernand Bloch-Ladurie, auteur de Georges-Guy Lamotte, le dernier des socialistes, aux Editions Aux forges de Vulcain. Son dossier est reproduit ici avec son aimable autorisation.]
LITTÉRATURE ENGAGÉE
FERNAND BLOCH-LADURIE, À LA CONQUÊTE DU MONDE
Texte de Marion Weber
Engagé politiquement dans un combat contre l’obscurantisme, Fernand Bloch-Ladurie, un des grands experts de l’histoire politique contemporaine, publie la biographie très attendue de Georges-Guy Lamotte, aux éditions Aux Forges de Vulcain. Derrière le sous-titre « le dernier des socialistes », Fernand Bloch-Ladurie laisse entrevoir sa volonté de changer la donne de la sphère politique et de fournir des pistes de réflexion au lecteur sur la fin des idéologies
C’est sur la toile que l’on rencontre d’abord Fernand Bloch-Ladurie, car tout intellectuel qui se respecte dispose aujourd’hui d’un blog alimenté, commenté, relayé. Voilà plus d’un an que ce professeur à Sciences-Po PARIS publie régulièrement ses pensées et sa vision du monde sur son blog. « Ce blog rencontre un énorme succès. Je suis lu dans les hautes sphères politiques, comme on dit, explique l’auteur, Internet est aujourd’hui une modalité indispensable. » La campagne présidentielle qui s’est achevée en mai lui a d’ailleurs offert une visibilité nouvelle et
le nombre de lecteurs réguliers a largement augmenté.
Son dernier livre, George-Guy Lamotte, le dernier des socialistes, a paru le 7 mai 2012, soit au lendemain du second tour de l’élection présidentielle. Un hasard ? « Certainement pas, répond l’historien, même si mon livre était très demandé, j’avais depuis longtemps choisi de le publier le 07 mai, date anniversaire du suicide de Georges-Guy Lamotte [mort au lendemain de l’élection présidentielle de
mai 2007, ndlr]. C’était hautement symbolique. » Selon lui, le livre ne pouvait de toute façon pas paraître avant, parce qu’il est encore aujourd’hui dangereux de parler de Georges-Guy Lamotte.
D’ailleurs, pourquoi n’entend-on pas parler davantage de cet homme politique, ami de Guy Mollet et de François Mitterrand ? C’est ce que l’historien cherche à comprendre à travers la biographie de ce personnage rocambolesque, presque romanesque. « Par son intermédiaire, je voulais décrire la France, dont il traverse toute l’histoire, de 1929 à 2007, croise tous les grands personnages, de de
Gaulle à Guy Mollet en passant par Bernard Tapie. » Alors selon l’auteur, parler de Georges-Guy Lamotte, c’est raconter
l’histoire de France.
En effet, Georges-Guy Lamotte, le « mystère Lamotte », c’est une autre façon d’envisager la Résistance, Mai 68, les cabinets ministériels où tout se joue. Avec cette biographie, c’est un peu tous les hommes de l’ombre, tour à tour aimés et détestés qui sont croqués avec tendresse, parfois sévérité, par Fernand Bloch-Ladurie. Evidemment le titre en
dérangera plus d’un.Le plus intéressant dans cette biographie reste cependant l’auteur lui-même, un intellectuel engagé à la recherche per-
manente de combats à mener. Un peu comme Voltaire réhabilitant la mémoire de Jean Calas, Fernand Bloch-Ladurie cherche à prendre sa place de penseur dans la société française. « Nous, intellectuels, avons une lourde responsabilité, j’ai des propositions pour participer au
renouvellement des idées. »
Penser autrement, quitte à choquer, comme sa proposition, surprenante, de supprimer le permis de conduire pour diminuer le vote extrême. Fernand Bloch-Ladurie attend de participer au grand mouvement de la société. « Je suis prêt », conclut-il.
(pages 24-25)
LITTÉRATURE COMIQUE
TROIS INTELLECTUELS QUI SE MOQUENT DU MONDE
Il faut savoir rire de tout, à commencer par soi-même. C’est la leçon prodiguée par ces trois universitaires nancéens et parisiens, auteurs facétieux de la fausse biographie d’un faux homme politique par un faux professeur de Sciences Po, intitulée Georges-Guy Lamotte, le dernier des socialistes, par Fernand Bloch-Ladurie. Comme beaucoup d’autres, vous avez été trompés par ces trois auteurs. Espérons que leur blague de potaches aura au moins eu le mérite de vous faire réfléchir sur le monde des intellectuels français. Entretien avec Joël Chandelier, Emmanuel Martin et Mathieu Niango, les trois auteurs de cette bouffonnerie.
- La Plume Culturelle : Quel a été votre objectif en écrivant cette pseudo-biographie ?
Les auteurs : C’est un projet qui date de quatre ans, l’idée de départ était d’écrire un roman comique pour se moquer du monde politique, qui manque cruellement d’humour. Puis nous nous sommes rendu compte que faire écrire une fausse biographie par un faux historien nous permettait de nous moquer d’un autre monde qui manque d’humour, le monde universitaire. Un monde que nous connaissons bien puisque nous sommes tous trois universitaires.
- LPC : Il s’agit donc d’une critique de notre société d’intellectuels ?
Les auteurs : Pas du tout ! Nous ne critiquons pas, nous en rions. Il est très important de savoir se moquer de soi. C’est indispensable de ne pas se prendre trop au sérieux. Prendre ce qu’on fait au sérieux, oui, mais pas soi-même. Voilà la leçon de notre entreprise.
- LPC : Qui est alors Fernand Bloch-Ladurie, et pourquoi lui ?
Les auteurs : Il s’agissait de créer un historien multi-cartes, une caricature de professeur de Sciences-Po PARIS. Un homme prétentieux, touche-à-tout et incompétent. Ses compétences techniques sont très limitées, mais il pense pouvoir parler de tout. Nous voulions qu’il soit sympathique tout de même.
- LPC : Et tenir un faux blog vous a paru une évidence ?
Les auteurs : Le livre commence comme une vraie biographie, mais plus l’auteur avance dans la rédaction, plus il se sent concerné, jusqu’à la fin où il s’engage pour de bon. Du coup, et cela nous a semblé tout naturel, il méritait plus de consistance. La campagne présidentielle nous a permis de lui donner une autre dimension. Comme de nombreux pseudo-intellectuels pendant cette période, FBL –notre BHL à nous– a émis une dizaine de propositions pour réformer la France. Toutes plus loufoques les unes que les autres. Mais le label Sciences-Po étant si fort et la lecture d’un blog si rapide, de nombreuses personnes ont réagi, parfois vivement, aux commentaires ! Comme si les propositions
étaient réalistes.
- LPC : Au final, s’agit-il d’une tromperie, d’une supercherie ou d’une
trahison ?
Les auteurs : D’une supercherie bien sûr ! Tout était fait pour qu’il y ait confusion : les noms de Fernand Bloch-Ladurie ou Georges-Guy Lamotte sont suffisamment banals et logiques pour que chacun se dise qu’il se pourrait bien qu’ils existent vraiment. Un jour, notre éditeur présentant le livre à une journaliste, s’apprête à expliquer qui est vraiment Lamotte. Mais elle ne le laisse pas finir et s’offusque même.
Evidemment qu’elle le connaît, elle est journaliste politique tout de même !
Pour en savoir plus : Le blog de Fernand Bloch-Ladurie.
Pages 26-27.
Marion Weber
Source : La Plume culturelle
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