Fernand Bloch-Ladurie, l’homme que le PS aurait dû écouter
Alors qu’une vague brune s’abat sur les urnes en France, rappelons la contribution de Fernand Bloch-Ladurie à la vie du PS.
Au lendemain de l’élection de François Hollande, un intellectuel proche du parti socialiste, Fernand Bloch-Ladurie, publiait une biographie d’un sénateur PS, Georges-Guy Lamotte, trop tôt disparu – et qui incarnait à l’époque, au sein de ce parti animé par tant de sensibilités contradictoires, une référence, une voie, un chemin, un espoir, une utopie.
Fernand Bloch-Ladurie pensait alors, en ces beaux jours du printemps 2012, que toute la gauche s’emparerait de sa monumentale biographie et, non seulement remettrait au goût du jour les idées de Lamotte, mais aussi l’inviterait, lui, le professeur, le conseiller de l’ombre, à revenir dans les cabinets ministériels dispenser son savoir, ses avis, ses visions fulgurantes.
Hélas, la nouvelle génération socialiste, arrivée au pouvoir avec François Hollande, reprit les idées de Lamotte sans s’adjoindre le bras de celui qui était son héraut : Bloch-Ladurie, l’éminence grise de cette sensibilité peu connue du parti, une sensibilité clandestine, qui structure profondément le parti, sans pour autant pouvoir être visible.
UN INTELLECTUEL ORGANIQUE ET ORGANISE
Qu’à cela ne tienne ! Grand lecteur des biographies des grands hommes (Churchill, Louis XIV ou même Platini), Bloch-Ladurie sait que nul n’est prophète en son pays. Reprenant son bâton de pèlerin, cet homme discret et délicat, qui ne se sépare jamais de sa veste en velours côtelé, est entré en résistance et invente alors, en 2012, un nouveau moyen de communication pour diffuser ses idées : le blog.
Et, peu à peu, le peuple répond présent à cet appel. Chaque jour, des dizaines, puis de centaines de lecteurs se pressent à ce qui devient un des salons les plus courus de France. On y aperçoit des journalistes en quête de scoop, des élus en panne d’idées – et, plus discrets, des ministres qui viennent y prendre le pouls de la France – tant il est connu que, pour savoir ce que pensent vraiment les Français, il ne peut y avoir de source plus fiable, plus sûre, qu’un professeur de science-politique, qui a franchi avec brio tous les échelons de l’élitisme républicain.
Très vite, dans les cercles informés, on sait que le blog de Bloch-Ladurie est devenu le laboratoire à idées de la France. D’abord lancées en l’air, avec une inspiration peu commune, les avis de l’oracle de la gauche deviennent, quelques mois après, des décrets, des lois, des réalités : travail le dimanche, politique de sécurité, vision libérale de l’économie, interdiction des suicides au travail. Qui sait ? Demain peut-être, d’autres idées deviendront des évidences (fusion du CRIF et du CFCM, non-mixité à l’école) ? L’évolution du PS, sous l’influence de Bloch-Ladurie, entre 2012 et 2015, laisse espérer beaucoup.
UN SUCCES JALOUSE
Mais la rançon du succès ne s’est pas faite attendre, sous la forme de clowns anarchistes et écolos, qui ont cherché à tourner en dérision ce travail de fond de celui qu’on a fini par appeler, « le penseur du Balto ». Mêlant agit-prop et situationnisme suranné, ils ont multiplié partout l’accusation que Fernand Bloch-Ladurie n’existait pas, et n’était autre qu’un canular, qu’un dispositif satirique construit par des gens de gauche, pour des gens de gauche – pour tendre un miroir déformant aux élites socialistes, et les faire douter de leurs certitudes, de leur ineffable contentement de soi.
Bien sûr, ce contre-feu n’a jamais pris. Mais, calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. Fernand Bloch-Ladurie, pourtant aidé par ses fidèles de toujours, Jacques Attali et Bernard-Henri Lévy, aura beau déconstruire avec finesse et acharnement ces insinuations infamantes, le doute ne disparaît pas. Ce qui vient, encore une fois, prouver la nécessité de plus d’école, pour combattre l’ignorance, pour combattre cette incapacité de nombre de concitoyens à développer cet esprit critique qui, de tous temps, a fait la grandeur de la France.
Car enfin, si Fernand Bloch-Ladurie était ce qu’on l’accuse d’être : une mauvaise conscience, un dispositif satirique, est-ce qu’il serait tant lu par ces élites socialistes, dont il serait, comme le prétendent ces agitateurs désoeuvrés, le critique ? Est-ce qu’un seul de ces conseillers techniques qui peuplent nos cabinets ministériels pourrait, sans honte aucune, lire ce blog satirique, le trouver bien drôle, et retourner sans sourciller à sa tâche, à écrire les discours des puissants qu’il sert avec passion et fidélité ?
MONTRER LA VOIE A SUIVRE
Or, une brève fréquentation du blog de l’oracle du Balto le montre bien – les lecteurs de Fernand Bloch-Ladurie sont ces élites de gauche. Professeurs, conseillers techniques, universitaires, journalistes, communicants, éditeurs. Si le projet de ce blog était de les faire douter, de les rappeler à être dignes du peuple, de leur montrer qu’ils ont failli, qu’ils s’illusionnent en pensant qu’ils sont de gauche, qu’ils sont, en grande partie, les responsables de l’actuelle vague brune, car ils aiment désormais trop l’argent, les entreprises, la technocratie, les médias, la sécurité… seraient-ils si nombreux à le lire ? C’est peu probable.
Aussi, est-ce avec une grande fierté que les Editions Aux forges de Vulcain publient les travaux de Fernand Bloch-Ladurie, que l’on trouve comme résumés dans cette magistrale biographie de Georges-Guy Lamotte, que nous conseillons comme cadeau de Noël, à tout électeur de gauche.
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