Comprendre l’édition française en moins d’une heure.
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Image : Frédéric Bisson via Flickr CC License.
Tout commence par un stage d’observation
Chaque année, les éditions Aux forges de Vulcain accueillent des stagiaires de troisième et de seconde qui profitent de ce stage d’observation de cinq à dix jours pour voir le quotidien d’une maison d’édition indépendante.
Ce stage d’observation commence généralement par une leçon d’une heure, par un éditeur, sur ce que sont les métiers de l’édition. L’exercice consiste à prendre une grande feuille de papier pour dessiner progressivement, de la gauche vers la droite, les actions et personnes qui permettent à un texte, parti des mains d’une autrice ou d’un auteur, d’atteindre les lectrices et lecteurs.
Les lignes qui suivent sont la transcription d’une de ces leçons.
Si nous transcrivons cette leçon, c’est pour contribuer à la connaissance que le grand public peut avoir de l’édition. Si une élève de troisième ou de seconde peut comprendre cette description, toute citoyenne, tout citoyen, peut la comprendre.
Quelques précautions sont requises toutefois :
1/ Ce qui suit est descriptif, et non prescriptif. Concrètement, le texte qui suit ne dit pas comment doit fonctionner l’édition, mais comment elle fonctionne le plus souvent.
2/ Ce qui suit expose le modèle économique principal de l’édition en France. Ce n’est pas le seul modèle. Il y a plusieurs modèles et les maisons d’édition superposent parfois plusieurs modèles, complémentaires.
3/ Cette description est volontairement succincte et simple. Si vous travaillez dans les métiers du livre, vous la connaissez. Mais si vous êtes simple lecteur, simple lectrice, elle peut vous intéresser.
4/ Ce qui suit est une transcription d’une discussion, et non un essai.
Tout commence par la lecture
« Ce qui est fondamental pour travailler dans l’édition, c’est d’aimer lire. Personne ne lit tout ce qui existe. Souvent, un éditeur ou une éditrice va être spécialisé sur un type de livre et va avoir une bonne connaissance sur un rayon et pas sur les autres. Le plus gros des rayons, c’est le rayon qu’on va appeler littérature, mais dans « littérature », tu as aussi les essais. Beaucoup de métiers dans l’édition ne sont pas des métiers d’éditeur ou d’éditrice. Et beaucoup d’éditrices et d’éditeurs ne travaillent pas la littérature, la jeunesse, le livre illustré, la photo, le scolaire...
Le plus souvent, tout commence par le « service manuscrits ». Ce service fonctionne différemment selon les maisons. Il y a des maisons où une à trois personnes reçoivent les manuscrits. Les manuscrits sont reçus soit par la poste, soit par voie électronique. Dans certaines maisons, c’est l’éditeur ou l’éditrice qui lit ces textes. « Lire » : souvent, les manuscrits sont consultés. Leur lecture est entamée. Si le type de texte ne correspond pas du tout à ce que publie la maison, il faut rejeter le texte, afin de garder du temps pour le prochain manuscrit dans la pile.
Beaucoup de manuscrits n’ont pas de grand rapport avec notre activité. On reçoit des romans jeunesse, on reçoit de la poésie, on reçoit de la romance, qui sont des genres littéraires que nous ne publions pas. Cela ne veut pas dire qu’on méprise les gens qui les écrivent, les gens qui les éditent ou les gens qui les lisent. C’est juste qu’on ne peut publier qu’un petit nombre de titres.
La mission de l’éditeur, c’est de choisir des textes, de transformer les textes en livres et de diffuser ces livres.
Si on fait un schéma, qui va de la gauche vers la droite, on commence donc par ce qui va permettre ce choix de l’éditeur, ou de l’éditrice : le travail créatif. Il y a l’auteur, l’autrice, l’illustrateur ou l’illustratrice et parfois les traducteurices. Là, tu as déjà au moins quatre métiers de l’édition.
Puis, après la lecture, vient l’écriture
Avec une petite nuance, c’est que auteur-autrice, c’est bien un métier, en un sens, mais ce n’est pas un métier comme un métier de salarié. Un auteur ou une autrice est propriétaire de quelque chose, qui est son texte. Et donc, sa rétribution est proportionnelle à l’exploitation de cette œuvre. Tu peux avoir travaillé trois semaines sur un roman, et ce roman se vend très bien et te rapporte beaucoup de sous. Tu peux avoir travaillé douze ans sur un roman génial qui va se vendre à trois-cents exemplaires, et là, tu n’auras vraiment pas gagné beaucoup. Il y a des gens qui font carrière d’écrivain, mais souvent leur revenu n’est pas tant la vente de leur roman que d’autres choses. Ils vont faire des conférences en lycée et donc ils sont rémunérés parce que ça prend du temps de préparer et de faire ladite conférence. Donc souvent leurs revenus sont un peu mixtes entre ce qu’on appelle les revenus de l’écriture et les revenus qui sont liés à ce qu’on appelle la médiation ou la vie culturelle en général.
Écrivain, ou éditeur, ce ne sont pas des professions réglementées. Il y a beaucoup d’éditrices, d’éditeurs qui n’ont pas de diplôme d’édition. Mais souvent, pour se rapprocher de l’édition et augmenter ses chances de trouver une place dans l’édition, il est souvent recommandé de faire un master édition ou au moins une licence.
Mais revenons au service « manuscrits ». C’est eux qui reçoivent les propositions. Dans certains cas, on ne passe pas par le service manuscrits, parfois on va nous-mêmes chercher des textes. Par exemple, tel auteur qui a écrit des nouvelles et on lui dit « on publie pas de nouvelles mais on aimerait bien publier votre roman le jour où vous écrivez un roman » donc ça nous arrive d’écrire à des auteurs et leur dire « le jour où vous écrivez un roman pensez à nous parce qu’on aime vos nouvelles ». Parfois, on est à l’origine du mouvement.
Il y a un autre cas de figure aussi, et donc ça c’est un autre métier encore, c’est les agents.
L’agent c’est quelqu’un qui représente soit une maison d’édition, soit un auteur, soit une autre agence. La plupart des agents avec lesquels on travaille, sont des agents qui représentent des auteurs étrangers. Donc, quand nous sommes intéressés par un texte américain, par exemple. Là je dis vraiment américain parce que le marché de l’édition américain est très professionnalisé, un peu comme le marché français, ce n’est pas le cas dans tous les pays. Tous les pays n’ont pas des marchés de l’édition aussi industrialisés et professionnalisés que le marché français. Celui des agents est un métier qui intervient avant qu’on rentre dans le processus éditorial.
L’édition, une série d’actions techniques
Quand on décide de publier un texte, on va discuter avec l’auteur ou l’autrice et établir une date de publication et un contrat. Et puis on va faire un travail éditorial. Il est assez rare qu’on publie un texte sans l’avoir retouché. Ça arrive, mais la plupart du temps ce n’est pas le cas. Il y a deux types de retouches. Les retouches où vraiment l’éditeur ou l’éditrice va modifier le texte directement et le deuxième type de retouches, c’est l’auteur qui corrige son texte lui-même. En fiction, moi par exemple, je n’écris pas, au sens où s’il y a une partie du texte que je ne trouve pas convaincante, je ne vais pas la retoucher, je vais dire à l’auteur, « le chapitre deux ne fonctionne pas », je vais dire, « au début du roman, il y a une question dramatique qui est posée. “Qui a tué qui”, par exemple. Et à la fin du roman, il n’y a pas de réponse à cette question dramatique alors que le lecteur ou la lectrice l’attend ». Donc il faut faire des retouches. Ça, c’est le travail éditorial. Et le travail éditorial, après, ça permet d’établir le texte. C’est une autre profession, tu as deux professions, l’éditeur et l’assistant éditorial. Assistant édito, ce n’est pas mon assistant, c’est l’assistant du processus éditorial. C’est quelqu’un qui va épauler l’éditeur de manière à anticiper toutes les actions techniques qui vont venir après pour être sûrs que tout se passe bien.
Et l’éditeur, c’est vraiment la personne qui assume le risque du texte en fait, qui assume le texte et qui va veiller à ce que tout se passe bien.
Une fois qu’on a établi le texte, on va passer par la correction qu’on appelle parfois une correction ortho-typo. « Ortho », c’est l’orthographe et « typo », c’est la typographie, donc c’est beaucoup plus vaste que l’orthographe, c’est vraiment anticiper ce que va être un livre. Par exemple, la manière dont tu notes les dates : « C’était dans l’année 1985. » Ça c’est plutôt une question typographique pour moi, et pas une question d’orthographe. C’est-à-dire que tu as plusieurs façons de l’orthographier correctement. Mais dans certains livres, il n’y a qu’une façon typographique de le représenter. C’est plus compliqué la typographie, mais là c’est encore un autre métier. Le travail de correcteur, c’est un autre métier. Dans certaines maisons d’édition, ce sont des salariés, mais la plupart des gens qui sont correcteurs travaillent chez eux, et sont des travailleurs indépendants. Ils sont chez eux et cherchent des missions. C’est un autre métier, qu’on va appeler correcteur ou correctrice. Là aussi, ce n’est pas un métier qui est réglementé, mais beaucoup ont un diplôme spécifique.
Après il y a une personne qui va faire la maquette du livre, la maquette c’est comment le texte va apparaître sur la page. Nous on a presque toujours les mêmes maquettes, mais il faut quand même fabriquer la maquette et ça aussi c’est un métier spécifique. C’est aussi quelqu’un qui est souvent extérieur à la maison. Une fois qu’on a fait la maquette, on a aussi la couverture à faire. Là aussi, souvent, c’est un illustrateur ou une illustratrice. Parfois, c’est quelqu’un qu’on va appeler un directeur artistique. Voilà, nous, c’est une illustratrice qui est externe. C’est un autre métier encore. Rien que sur la partie édito pure, il y a l’éditeur, l’assistant éditorial, le correcteur, le maquettiste ou la maquettiste, l’illustrateur de couverture. Et là encore, il y a une dernière personne qu’on va appeler le fabricant. Le fabricant, ce n’est pas vraiment la personne qui imprime, c’est la personne qui prépare les fichiers pour impression, qui va contacter les différents imprimeurs pour savoir quel est l’imprimeur qui peut prendre ce projet, qui peut faire un prix intéressant d’impression. Derrière il y a un autre métier encore, c’est l’imprimeur, mais l’imprimeur ce sont des entreprises distinctes.
Commerce des biens ou commerce des idées ?
Les métiers comme éditeur, sont des métiers, entre guillemets, intellectuels. Mais l’imprimeur, c’est vraiment une industrie. Et donc, il y a des imprimeurs qui sont en France, des imprimeurs qui sont dans l’Union européenne et des imprimeurs qui sont plus loin. Nous on imprime tout en France sauf parfois certains livres qu’on appelle les livres au façonnage complexe. L’idéal ce serait d’imprimer intégralement en France parce que ça diminue notre empreinte écologique.
Et la troisième mission de l’éditeur ou de l’éditrice, c’est de trouver des lecteurs et des lectrices. Tout à l’heure, j’ai dit que c’était en quelque sorte une profession intellectuelle, mais en fait, techniquement, éditeur, c’est plutôt une profession commerciale.
Nous ne sommes pas des commerciaux au sens propre, mais si on fait un très bon livre et qu’il ne se vend pas, on a un peu échoué. Si on fait un mauvais livre et qu’il se vend, on a aussi échoué.
On dit souvent qu’on est dans un commerce des biens et des idées, voilà. Les idées, c’est ce que contiennent les livres, et les biens, ce sont les livres mêmes. Les gens qui travaillent dans l’édition, ils ne font pas ça pour faire fortune, on se dit que publier un livre permet de diffuser des idées ou de faire connaître des très beaux textes et bien vendre un livre ça permet d’avoir assez d’argent pour faire le livre d’après. C’est plutôt comme ça qu’on voit les choses.
De l’édition à la diffusion
Donc maintenant on va passer aux partenaires qui sont importants pour l’éditeur. Il y a le diffuseur. Tout à l’heure, quand je te faisais la visite, on est passés à côté de bureaux qui sont les bureaux de notre diffuseur. La mission de notre diffuseur est de parler aux libraires de nos livres, de manière qu’avant la sortie du livre, les libraires décident d’en prendre une pile, ou un ou deux exemplaires, ou de ne pas le prendre. Le but c’est pas qu’ils ne le prennent pas, le but c’est qu’ils le prennent. Donc diffuseur, c’est vraiment un métier très commercial. Au sein du diffuseur, il y a plein de métiers différents, mais beaucoup de métiers qui ont un rapport au commerce, à la gestion et à la finance. Et il y a notamment un type de métier très particulier qu’on appelle les représentants. Les représentants sont souvent des super lecteurs, souvent, mais pas toujours, ça peut être des anciens libraires, c’est des gens qui ont en charge une aire géographique, par exemple la Nouvelle Aquitaine, et ils vont aller de libraire en libraire, mais uniquement dans leur aire géographique, pour parler de nos livres. Donc nous comme ça, on a des représentants pour la France, pour la Belgique, pour la Suisse et pour le Québec.
Pour être représentant, il faut aimer lire, il faut aimer se déplacer et il faut aimer rencontrer des libraires tout le temps. C’est pour ça que souvent, enfin pas toujours, les représentants sont parfois d’anciens libraires. Au sein de la maison d’édition, pour aider les représentants, il y a souvent un responsable commercial. C’est quelqu’un qui va faire le lien entre l’éditeur et les représentants. Mais souvent l’éditeur, enfin c’est ce que je fais, moi, rencontre les représentants. Il y a aussi souvent quelqu’un qu’on va appeler une relation libraires. La relation libraires, c’est encore un métier plus ou moins commercial, qui est au sein de la maison d’édition qui parle aux libraires de nos livres. La relation libraires doit aimer lire, aimer ou apprendre à aimer les livres de sa maison, et aimer aller souvent en librairie, être sur le terrain. Parfois, mais c’est plus rare, on peut nommer cette personne un attaché ou une attachée de librairie. Cette formule est issue d’une analogie avec le métier de l’attaché ou attachée de presse, qui est la personne qui parle aux journalistes, dans l’espoir que les journalistes parlent des livres, et que les lectrices et lecteurs se ruent en librairie pour acheter lesdits livres.
Et il y a un autre acteur important, c’est le distributeur. Souvent, le diffuseur et le distributeur, c’est la même société. Le distributeur a deux missions. La logistique : il apporte les livres en librairie. L’imprimeur livre le distributeur, le distributeur apporte les livres en librairie et, si les libraires n’arrivent pas à vendre le livre, les libraires ont le droit de rendre le livre au distributeur. Cela s’appelle la faculté de retour et la faculté de retour, ça n’existe pas dans tous les pays. Mais, c’est quelque chose qui a permis à beaucoup de pays de développer un marché de l’édition parce que même si libraire ça reste assez risqué comme métier, ça limite un tout petit peu le risque. C’est-à-dire que les libraires, ils nous achètent les livres et ils doivent les vendre aux lecteurs. Mais s’ils n’arrivent pas à les vendre, ils ont le droit de nous les rendre et nous on les rembourse. C’est quand même le libraire qui a payé le transport, donc il faut qu’il soit prudent dans ses choix. Et pour revenir au distributeur, le distributeur il fait la logistique et il fait aussi la facture. C’est-à-dire que c’est le distributeur qui demande au libraire de payer. Et nous on demande, en tant qu’éditeur, au distributeur de nous payer. C’est comme ça qu’on gagne de l’argent.
Le distributeur, c’est d’autres métiers, c’est des métiers plus techniques qui peuvent être du côté de la manutention. Ce peut être des métiers assez complexes parce que l’idée c’est comment on arrive un peu à robotiser ces métiers. Parce que sinon ces métiers sont quand même assez durs pour l’être humain, puisque ça consiste à porter des cartons qui peuvent être assez lourds et c’est des métiers qui peuvent être un peu usants et surtout c’est beaucoup de métiers qui sont en décalage horaire. Donc des métiers où les gens peuvent commencer à six heures du matin et il y a des périodes de l’année, octobre, novembre, décembre, à l’approche de Noël, où il y a aussi des équipes de nuit, donc des gens qui vont faire un métier ouvrier assez dur la nuit. Il y a quand même une réflexion sur la robotisation pour essayer de moins casser les corps.
Un pays, c’est des bars et des librairies
On arrive enfin au libraire, qui est donc un des derniers maillons de la chaîne, parce que l’essentiel des ventes de livres se font en librairie, et ce sont les libraires qui vendent les livres aux lecteurs et lectrices. Les librairies, sont souvent ce qu’on appelle des « librairies indépendantes ». C ‘est-à-dire que quand tu rentres dans une librairie, tu vas souvent rencontrer la personne qui possède la librairie et qui a aussi des salariés qui sont des libraires. Dans librairie, il peut n’y avoir qu’une seule personne. Il y a des librairies qui ont plus de cent personnes. Mais la plupart des librairies françaises ont moins de dix salariés. C’est difficile de savoir combien il y a de librairies. On entend parfois dire qu’il y a plus de quatre mille lieux qui vendent des livres, mais je t’avoue ne pas savoir : une maison d’édition de notre taille travaille avec moins de deux mille librairies.
La France est un grand et vaste pays : il y a des toutes petites librairies, il y a aussi des maisons de la presse, des endroits où il y a un tout petit peu de livres mais surtout des journaux. Amazon est considérée par la chaîne comme un libraire, même si son métier est très différent du métier des vrais libraires. Il y a un autre métier que je n’ai pas mentionné, qui est un peu en parallèle des libraires, ce sont les bibliothécaires. C’est un membre de la chaîne qui est souvent négligé alors qu’il y a plus de bibliothèques que de librairies, et que les bibliothèques jouent un rôle fondamental de médiation : avec les familles et les enseignants, et les libraires, les bibliothèques fabriquent lecteurs et lectrices.
Ce que je te décris, c’est le modèle économique, ou le modèle d’affaires, dominant dans l’édition. On vend des livres. Il existe souvent une deuxième source de revenus : la cession de droits. La personne qui s’en occupe est souvent appelée la responsable des droits. Elle supervise la vente des droits pour les éditions étrangères, quand on réussit à faire traduire un de nos textes dans une autre langue, les droits audiovisuels, les droits pour les livres audio, pour le théâtre. Mais souvent, ce qui est le plus accessible, c’est la cession aux éditeurs de poche.
Quand un livre sort en poche, c’est souvent que nous, on a accepté de vendre les droits de ce livre à un éditeur de poche. Nous, on conserve le droit de vendre notre grand format. Tu verras parfois sur nos documents, il y a marqué GF, ça veut dire « grand format ». Mais on peut vendre à l’éditeur de poche le droit de faire une édition de poche. Donc lui, il va nous rémunérer pour ça, et nous, on rémunérera l’auteur. Ce sont des revenus supplémentaires pour l’auteur. C’est souvent plus de visibilité, parce que souvent les livres de poche ont des tirages en moyenne plus élevés que nos livres.
Il y a certaines maisons d’édition qui font leurs propres poches, mais ce n’est pas notre cas. Nous, on essaye de parler avec les éditeurs de poches et voir ce qui les intéresse dans notre catalogue. Les éditeurs de poche ne sont pas très nombreux en France. On dit parfois qu’il y a quatre mille éditeurs de livres en France. Mais les éditeurs de poche sont une dizaine. Je te les cite de mémoire et espère n’en oublier aucun : Livre de Poche, Pocket, J’ai lu, Folio, Points, Babel, Libretto, Harper & Collins. J’en oublie sans doute. Ce sont de vrais éditeurs, de vraies éditrices, qui ont des lignes éditoriales, comme les éditeurs grand format : des types de textes qu’ils aiment, qu’ils ont décidé de défendre. Je te dis cela car, quand j’avais ton âge, je pensais que seuls les bons textes existaient en poche, qu’un livre qui n’avait pas d’édition de poche avait un problème. Certains livres n’ont pas d’édition de poche car leurs auteurs ou éditeurs ne voulaient pas d’édition de poche. Parfois, le livre ne rentre pas dans les lignes que travaillent les éditeurs de poche. Parfois, les ventes en grand format ont été si modestes que l’éditeur de poche ne pense pas, quelles que soient les qualités du texte, parvenir à trouver des lectrices et lecteurs pour un texte.
Il faut un village pour faire un livre
On a vu plein de métiers : auteur, autrice, illustrateur, traductrice, agent, éditeur, assistant éditorial, correcteur, maquettiste, illustrateur de nouveau, fabricant, community manager, attaché de presse, responsable commercial, agent, relation libraires, imprimeur, diffuseur, représentant, distributeur, logisticien, libraire, bibliothécaire.
Il y a plein de métiers. Un texte, c’est la propriété de son autrice, de son auteur. Mais un livre, c’est un travail collectif qui implique des dizaines de personnes, qui sont elles-mêmes les héritières de pratiques qui ont été établies au cours des trois cents dernières années. Même la lectrice, le lecteur, contribue au livre, en l’achetant, en le lisant, en en parlant, en posant parfois des questions à son auteurice.
Dans ce sens, même s’il y a nombre de métiers, le principal, c’est d’aimer lire. Tout commence par là, finit par là. Et il n’y a pas de lectures obligatoires. Chacun lit ce qu’il veut. Mais quand on aime ce qu’on lit, on gagne en sincérité et en éloquence quand on partage sa passion, auprès des représentants, des libraires, des journalistes et des lectrices et lecteurs. Donc, si tu aimes lire, tu as déjà fait le premier pas vers les métiers de l’édition ! »