Un nouveau site ! Mais quel intérêt à l'ère des réseaux ?
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Les forges de Vulcain ont un nouveau site ! Il est beau, il est propre, mais à quoi bon passer son temps à mettre à jour un site web quand on a des réseaux sociaux ? On va vous parler un petit peu de Web 2.0, de littératie numérique et de décentralisation à l'ère de l'algorithme, parce que les forges, c'est une maison d'édition, mais c'est aussi un acteur au sein d'un réseau d'informations qui circule globalement, que nous appelons Internet, dont les dynamiques évoluent de façon vertigineuse depuis quelques années.
Il est fort probable que vous soyez tombé sur cet article grâce à un hyperlien croisé sur un réseau social (Facebook, Instagram, Threads, Bluesky ou même LinkedIn, les forges sont partout). Mais pour les forges il est important d'avoir un espace propre, hébergé en dehors de ces espaces relativement récents que sont les réseaux sociaux. C'est pour cela que nous avons cherché à renouveler nos solutions numériques en ce qui concerne notre site web.
Nous avions, auparavant, un site WordPress (un peu ringard, acceptons-le), développé par un prestataire externe qui ne pouvait plus le mettre à jour de façon convenable (ce qui explique pourquoi il ressemblait à un blog des années 2010 : c'en était un). Mais ce changement n'est pas uniquement esthétique. Le site est désormais développé sur Biblys, un logiciel libre spécialisé pour des acteurs du livre (médiathèques, librairies et... maisons d'édition !) Grâce à l'aide de Clément Latzarus (développement web) et de Quentin Chapelain (habillage graphique) nous avons trouvé une solution plus adaptée à nos besoins et à ceux du monde du livre actuel, plus alignée à nos convictions sur la décentralisation du Web.
Mais qu'est-ce que décentraliser le Web ? Avec la croissance des réseaux sociaux, nous consommons de plus en plus de contenu modelé sur / ciblant nos goûts et notre démographie. En termes très simples, nous ne voyons que ce que nous voudrions voir ; nous nous limitons à nos affinités et à celles de notre cercle le plus proche. Les algorithmes des réseaux sociaux créent une bulle artificielle et confortable de contenu toujours prévisible. Les liens sur lesquels nous cliquons mènent des réseaux vers des sites tiers, mais nous revenons toujours au point de départ. Ce qui était un réseau d'hyperliens horizontaux est devenu un archipel de grands continents numériques (chaque réseau est un continent) qui mène vers des petites îles, les sites externes, de moins en moins visités. Même les réseaux tendent vers une hypercentralisation : Instagram, Facebook, Threads, WhatsApp et Messenger appartiennent tous à Meta. Ce nouveau réseau d'appareils "intelligents" interconnectés est inédit dans l'histoire des sciences de l’information et de la communication. Aujourd'hui, plus que jamais, des ordinateurs, mais aussi des tablettes, téléphones, montres intelligentes, des enceintes à intelligence artificielle (comme Alexa), et même des appareils électroménagers sont connectés au Web. L'accès immédiat à ces réseaux sociaux qui centralisent le flux et qui monopolisent le temps de navigation des usagers est un phénomène nouveau qui caractérise ce qu'on appelle le Web 2.0. Avec l'arrivée de l'intelligence artificielle dans l'équation et la popularisation des crypto monnaies on commence même à parler d'un Web 3.0.
Les réseaux sociaux sont conçus pour monopoliser notre temps, leurs créateurs veulent qu'on y passe des heures, sans sortir du feed. Leurs interfaces sont faciles à utiliser, ce qui fait que nous savons, de moins en moins, comment fonctionnent les outils informatiques avec lesquels nous interagissons au jour le jour. La tendance dominante vers une ergonomie pour les utilisateurs a créé un manque de ce qu'on appelle la littératie numérique : les utilisateurs savent de moins en moins comment marchent leurs logiciels, leurs téléphones, leurs ordinateurs, comment est conçu un algorithme. Pour créer un espace de partage sur Internet nous nous penchons sur des solutions limitées et souvent contrôlées des réseaux sociaux. Il est encore possible de coder son propre site en HTML pour y mettre ce que l'on veut, mais à quoi bon ? Il faut payer l'hébergement du site, avoir les compétences numériques pour le maintenir à jour... Facebook et Instagram nous permettent de partager textes et images sans apprendre à coder. N'est-ce pas ? Quel est le bémol ? Nous renonçons à notre autonomie éditoriale en ligne. Les réseaux sociaux ne sont pas gratuits. Comme on le dit si souvent : quand quelque chose est gratuit, c'est vous le produit, ou dans ce cas-là, vos données.
En centrant la communication sur le site Web en tant qu'espace principal de partage des évènements, des nouveautés, des articles et entretiens, les éditions Aux forges de Vulcain cherchent à contribuer à la décentralisation de leur existence numérique. Les réseaux sociaux sont importants, certes, ils nous donnent de la visibilité. Mais tout ce que nous y publions appartient à des corporations dont l'usage de nos données reste nébuleux et sans aucun doute malhonnête. En publiant sur notre propre site, avec une solution Open Source gérée par des personnes réelles à qui nous faisons confiance, nous essayons (à notre échelle, bien modeste) de transformer les dynamiques actuelles du web pour revenir à un échange plus horizontal, plus autonome, moins dépendant de la privatisation massive du web par l'algorithme et les réseaux.
- Alejandro, chargé d'entretenir la flamme primordiale aux forges.